vendredi 5 janvier 2007

La Fontaine de Darren Aronofsky

"-Will you deliver Spain from bondage?
-Upon my honor and my life.
-Then you shall take this ring to remind you of your promise.
-You shall wear it when you find Eden, and when you return, I shall be your Eve. Together we will live forever."

Queen Isabel to Tomas.

Première excursion dans les salles obscures de 2007, puisque Babel a comme son homonyme déjà disparu corps, copies et biens, The Fountain de Darren Aronofsky s'est gravé au fer rouge dans ma mémoire. Du délire scénaristique et du génie visuels inédits depuis Eternal Sunshine of the Spotless Mind à l'image des attentes que j'avais nourries à l'égard de cette fable sur le deuil et la mort(1).
Ou comment de l'Espagne de l'Inquisition, au présent et au 26ème siècle un homme est condamné à sauver la femme qu'il aime, qu'elle soit la plus grande reine que Madrid n'est jamais portée -Isabelle la Catholique- à son épouse cancéreuse en phase terminale. Mais cette quête de Tom(as) ne s'accomplira que s'il triomphe d'une mission qui changera le monde : trouver l'arbre d'immortalité des Mayas sur lequel veille l'étoile Xibalba.

Sur ce script incongru à la limite de l'heroic fantasy, l'intrigue virevoltante, gondriesque, se tisse à travers le temps et l'espace: dans les profondeurs du Guatemala encore vierge des Conquistadors et peuplé de ses indiens mystérieux, dans un laboratoire pharmaceutique ultramoderne, au cours de la longue Odyssée d'un astronaute écologique, zen et bio.
Où se niche le réel? Sommes nous prisonniers de l'imagination sans borne de l'écrivain ou de l'âme à son dernier souffle?
Aronofsy se garde bien de nous fournir la réponse et nous coule dans une mise en abyme infinie.
Bercés par de menaçants et obscurs "Finish it" et une alliance disparue ("Where are you my precioooouuuuus ???" aucun doute, le voleur est Sméagol, la ressemblance avec l'Anneau est plus que suspecte!), ses univers minéraux où dominent blanc, gris, noir et or se confondent.Un flou savamment entretenu par l'enchaînement des plans inversés identiques où les gratte-ciels succèdent aux églises romanes, une autoroute à un cheval galopant sur un chemin poussiéreux. Son Eden se déploit d'un magma de liquide doré -des effets spéciaux sublimes nés simplement dans les réactions chimiques d'une boîte de Pétri -.

De ce voyage onirique doux-amer, cathartique sur la fatalité de notre fin, j'en retire un film d'une beauté époustouflante. Mais ce ravissement s'accompagne d'une pointe de regret. J'aurais voulu dire "voici un bon film", malheureusement face à l'esthétisme croissant, le scénario se délite et rivalise avec X-Files dans sa période capilopractée. Ceci dit, le film lie ses trois fils et surtout le destin du preux chevalier de manière inattendue, aidé en cela par un montage narquois.
Pourtant bizarrement, cette incompréhension n'empêche pas d'apprécier ce voyage cinématographique et philosophique. Ce petit miracle de la logique, Aronosky le doit à son compositeur. Clint Mansell & le Kronos Quartet, fidèles au poste, offrent une symphonie de cordes, qui crée un dialogue sensuel et émouvant vers ce Paradis sacrificiel et donne vie à cette Odyssée de la vie. Et bien que mitigée, si vous êtes une âme songeuse, je ne peux que dire "Go and finish it".

Qu'importent l'incohérence et l'affront fait à l'histoire ibérique (Isabelle la Catholique a davantage été l'instigatrice de l'Inquisition que sa victime) pour un moment de poésie et d'audace visuelle peu fréquents de nos jours !
(1) Curiosité éveillée à la lecture d'une petit colonne de synopsis dans Ciné Live qui s'enthousiasmait du nouveau film de Darren Aronofsky. Car, à ma grande honte, j'avais manqué ma rencontre avec le légendaire et magistralement mis en musique (en fait, je ne connais ce film que pour sa bande originale inégalable sous les mains de Clint Mansell et du Kronos Quartet) Requiem for a Dream et je voyais enfin là un moyen de racheter cette faute de goût. Et puis l'intrigue grâce à ses mots clés magiques, "fontaine de Jouvence", "quinzième siècle" (traduisez en andréaien, des prettyyyyyy et shinnnnyyyyy costums), "voyage dans le temps", "réincarnation", m'a conquise sans armes.^^
"-Finish it.
-Stop... Stop it! What do you want? Leave me, leave me alone! Please, please... It's not my...
-Will you deliver Spain from bondage?
-I don't know... I'm trying, trying... I don't know how.
-You do. You will... You do... You will. "
Izzi to Tom
ps : Si néammoins, quelqu'un a compris le message profond du film, je serai plus que ravie de recevoir vos lumières à ce sujet !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau commentaire, et je ne peux qu'y souscrire. Très joli film, mais le mysticisme exacerbé de la fin gâche l'aspect philosophique et tout le côte réflexion sur la mort. Dommage.

Ry a dit…

Magnifique commentaire !!...


(qui ne peut que me faire regretter davantage que la programmation mâconaise demeure, pour l'heure, des plus muettes, mais passons... :))


Ry, que ton talent laisse on ne peut plus admirative *______*

Andrea a dit…

Merci de tous ces gentilles appréciations sur cette entrée. J'avoue qu'elle me semble tellement verbeuse, que comme avec mes récits théatreux apposer le point final me laisse toujours impression mitigée.

Honnêtement je dois dire que ce n'est pas encore en 2007 que je prendrais la bonne résolution de rédiger succinctement et de respecter le format presse écrite *sigh*.

Je suis contente que cette entrée ait éveillé ta curiosité sur ce film mais c'est le genre de film que soit tu haïs ou tolère en dépis de ces défauts indéniables et donc comme nombre de mes recommenations inspirées de mes goûts parfois excentriques, entrer dans la salle obscure comprend une part de risque ^^;;;.

Pour avoir une petite idée de l'ambiance du film : http://www.youtube.com/watch?v=_IP_Rjx4wVY

Bonne nuit et bonne rentrée :)

Anonyme a dit…

Le message profond du film ? Je te le dirai quand je l'aurai vu... Par contre, l'un des messages moins profonds pourrait être: que Mr Jackman est bôôôôô !!!