mardi 23 janvier 2007

A la porte

"-C'est grave Docteur ?
-Non mademoiselle, je pense qu'il faut juste dorénavant que vous vous teniez éloignée des monologues"

Aux mêmes causes, les mêmes effets, j'avais piqué un petit somme lors des réfléxions zouciennes de Nathalie Baye et bien qu'à cela ne tienne Morphée est également venu me rendre visite au Théâtre de l'Oeuvre. Sauf que cette fois, cette sieste impromptue est vraiment contrariante car la qualité était au rendez-vous avec cet "A la Porte", adapté du roman éponyme de Vincent Delacroix. Cette reflexion sur la mort, Michel Aumont la porte à bout de bras avec la véhémence et l'enthousiasme du cabotin qu'il est. Et si le monologue est flamboyant, c'est bien quand l'acteur sur scène est possédé jusqu'à l'exorcisme par son personnage.

Ici, un professeur de philosophie à la retraite mais à la très grande opinion de lui-même bien que pour des raisons financières, sa seigneurerie ait dû se réssoudre à écrire des livres d'analyses sur ses auteurs vénérés. Ce dimanche là, Monsieur l'agrégé raccompagne sur son perron un jeune étudiant, courtisan avide. Dans sa hâte de se débarasser de l'importun, notre éminence en oublie ses clés et le voilé à la porte. Mais au lieu d'appeller comme tout urbain stréssé qui se respecte, toutes les personnes de sa connaissance possédant un double de ce précieux sésame, notre homme décide de profiter de son dimanche et de se promener dans la Capitale.

Une errance de la gare du Nord au Canal saint-Martin qui est bien plus qu'un itinéraire domestique, non dès lors le voyage sera spirituel car au gré de ces pas, le professeur rencontre des fantômes, comme feu son père croisé à la terasse d'un restaurant peu aimable. Cette rencontre du troisième type ébranle le philosophe qui bascule de réalité en hallucinations. Ces réflexions cyniques et amères sur l'étendue irrémédiable de la culture de masse qui abétit le genre humain laissent la place à une descente aux enfers. Ses vêtements disparaissent, le laissant dénudé aux regards du monde, rendant vulnérable un corps rongé par les pinces de la maladie et le portrait -on ne peut trop réaliste- de la déchéance de notre enveloppe corporelle, jusqu'au final surréaliste dans les toilettes d'un café où le héros croise des Rembrandt et Vermeer dans leurs beaux cadres dorés.

Dans cette avancée vers la mort, impossible à nier, Michel Aumont alterne entre retenue, langueur et colère. Des ruptures de rythme que souligne là encore un décor des plus neutres et abstraits : une chaise, un rectangle lumineux en guise de porte. Autant d'instants de rebelion qui rappelle que l'homme face à sa fin se débat et que si celle-ci est inévitable, l'esprit ne renonce jamais.
A la Porte, Pièce de Vincent Delecroix, Adaptation et mise en scène Marcel Bluwal avec Michel Aumont, théâtre de l'Oeuvre.
PS: L'Eventail de Lady Windermere avec Geneviève Casile est à nouveau représenté aux Bouffes Parisiens, une excuse en moins pour manquer ce bijoux wildien!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourquoi ce petit somme alors??
Ca fait trop longtemps que je ne suis pas allée au théâtre: maudite campagne... parfois je me sens loin de la culture...il me reste ici les livres ;)

Andrea a dit…

Bonne question ! Il y a les facteurs physiologiques : chaleurs dans un lieu si petit et empli, la fatigue de la semaine ou l'heure tardive. Il faut aussi compter le facteur psychologique, j'accroche mal à une mise en scène qui démare dans le calme et à un texte trop verbeux etje pense sérieusement que la donnée monologue me bloque. ceci dit mon voisin, qui comme moi ne pensait que des belles choses de Michel Aumont a souffert des mêmes syndromes.

Malheureusement au théâtre, on n'a pas l'aventage du livre, reprendre la page là où on s'est abandonnée à Morphée *sigh*.

'Drea qui a honte mais qui a honte !

Merci de ta visite :)