lundi 15 janvier 2007

Les barbares

Les Barbares de Gorki à la Colline, La guerre de Troie n'aura pas lieu de Giraudoux à Silvia Montfort (dernièrement chroniquée ici), même combat: horde de personnages (vingts ici!), exhubérance de la mise en scène, texte touffu et obscur mais dans les deux cas, trois heures de bonheur sur le strapontin pour le spectateur.
Encore moins qu'avec la pièce de Giraudoux, je n'essairai de résumer l'intrigue de Gorki vu que même au bout de trois heures, j'avais bien du mal à différencier qui était qui. Et au fond, l'identité ne joue qu'un rôle secondaire dans cette fresque de la Russie pré-révolutionnaire tant le bouleversement et la violence des instincts et des sentiments prédominent, entrainement protagonistes comme audience dans un tourbillon destructeur.
Les Babares sont une énième illustration de la théorie du chaos. Soit deux ingénieurs arrivent à Verkhopolie, lointaine province oubliée par la culture et le progrès, pour installer le chemin de fer. Agissant comme des révélateurs, ils balayent la monotonie de cette petite ville et l'ordre établi. Tandis que l'un quitte sa femme et suscitent les convoitisent desespérées de la bourgeoise récéement venue se ressourcer ou de la pauvre femme de fonctionnaire au foyer desespérée, son collègue pervertit, alcool à la main, progéniture du maire et simples figures deVerkhopolie sans oublier leur comptable qui initie aux idées marxistes la jeune fille du maire, une adolescente sauvageonne et provocatrice, une Katia belle comme une diablesse. Tout au long de cette satire court la lancinante question : qui sont les Barbares ?Les campagnards que ces citadins éclairés viennent désenclaver ou au contraire ces étrangers édonistes et sans remords qui laisseront désordre, débris de l'équilibre social d'antan, et espoirs déçus derière eux?
Gorki, de son petit nom Maxime - écrivain symbole de l'URSS et malgré tout peut-être assassiné sur ordre de Staline (président de l'Union des écrivains soviétiques, il protestait contre la censure pratiqué par le régie soviétique à l'enontre des écrivains-, offre un texte confus où les villageois papotent entre eux sans véritable lien apparent.Il livre un texte brut empli de tumultes, incohérent et sans message clair.
Un défi ambigu que la mise en scène relève avec brio, devenant virevoltante, sensuelle et hystérique. A ma surprise et ravissement, la pièce s'ouvre ainsi sur un profond anachronisme. Un mendiant entonnant à la guitarre en VO et VF, Losing My Religion de REM et Le Vent Nous Portera de Noir Désir. On consomme des caisses de bierre à foison, on se déshabille, on mord, on embrasse, on poignarde des pastèques et le morceau de bravoure devient alors la fête du village, instruments tonitruants deviennent paroles avant que les comédiens se transforment en danseurs de Saint Guy dans une valse ennivrante. La plus belle touche est apportée par des guirlandes lumineuses qui se déploient en mince filet de lumière jusqu'au coup de feu final, car en Russie et dans son roman, rien ne finit vraiment bien, comme pour souligner le dernier crépuscule d'un monde et de son hypocrisie voués à disparaître.

Les Barbares De Maxime Gorki. Texte français d'André Markowicz. Mise en scène et adaptation d'Eric Lacascade. Avec Jérôme Bidaux, Jean Boissery, Gaëlle Camus... Théâtre national de la Colline jusqu'au 10 février puis tournée dans toute la France (première au festival d'Avignon, été 2006).

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