mardi 10 octobre 2006

L'éventail de Lady Windermere

"Le meilleur moyen de résister à la tentation est encore d'y céder" et encore plus en direct. Ayant passé des années à proférer mon admiration d'Oscar Wilde sur toutes les tribunes disponibles, il était temps de le voir en action ! Je pensais accomplir cet hommage avec L'importance d'être constant que j'avais déjà abordé au cinéma en les compagnies délicieuses de Colin Firth (c'est avec Cate Blanchett, Nicole Kidman et Scarlett Johansson un des mots-clé pour me voir déballer sans esprit critique et critiques dans les salles obscures!) et Rupert Everett. La pièce se montait à Paris avec Lorant Deutsch. Finalement la prosternation eut lieu devant la première oeuvre théâtrale de M. Wilde : l'éventail de Lady Wendermere (en VO the Fan).
Oscar, qui la trouvait fade au regard des aventures de Constant et Gwendolyn, n'a pourtant pas à en rougir. C'est aussi délicieux et grinçant que ce à quoi ils nous a habitués. Abordant même un petit coté noir qui préfigure le portrait de Dorian Gray tant Lady Erlynne et ses tactiques sont à la hauteur de sa renommée sulfureuse.

Pénétrant une nouvelle fois dans la high society londonienne, l'auteur s'attaque au bonheur sans faille d'un couple parfait. En apparence car lord Windermere fréquente assidûment Lady Erlynne, une dame perdue de réputation. Pourquoi diable lui a-t-il acheté une maison, un coupé, lui verse-t-il des mensualités et exige que lady Windermere reçoive la gourgandine dont tout Londres pense qu'elle est sa maîtresse, à l'occasion de la reception donnée pour son 21ème anniversaire ? Eh bien, pardi c'est par amour pour… sa femme. Dur à avaler ? C'est tout le sel de la chose.

Si on devine bien vite le secret de Lady E. (ceux qui connaissent sur le bout des doigts La Guerre des Etoiles auront vite une petite idée!), le piquant demeure car ses motifs sont loin d'être purs et lorsque la redemption apparaît, elle ne la saisit qu'un instant dans un élan d'humanité oubliée et jusqu'à la dernière seconde de la pièce fait preuve de toute sa ruse pour embobiner Lord Windermere, le gaga Lord Augustus pour le plus grand plaisir du public qui ne voit pas le temps passer...car outre la menace que fait plâner cette femme de mauvaise vie, on est fébrile devant la tentation de Lady Windermere. Convaincue que son mari ne vaut pas mieux qu'un autre, elle cède aux sirènes de l'enjoleur et dandiesque Lord Darlington, ami de la famille et évidément secrètement amoureux de sa personne (mais Lady W. est tellement charmante qu'on ne peut qu'adhérer!) et qui tente le tout pour le tout en dévoilant avances et fuite en Inde...
Tout cela dans un décor sublîme : riche salon, fumoir et club, un canapé, un secrétaire où brillent de véritables bougies, des tableaux de maîtres et des rideaux luxueux sans oublier missives secrètes qui se trompent de destinataires et éventail en ivoire égaré (tout le drame de l'histoire). Les bons mots d'Oscar fusent dans la bouche de vipère de la Duchesse de Berwick, une version noble de Mme Bennet mais tout aussi déterminée et toquée qu'elle à marier sa fille (puisque tous les bons partis anglais sont pris, un américain roi de la conserve fera l'affaire malgré la déchéance nationalitaire puisque l'essentiel -l'abondance de sous- est préservé^^. De sa petite voix aigue et faussement distinguée, elle sème les graines du doutes dans l'esprit de Lady Windermere. Du coté des hommes, Oscar s'est trouvé une ombre en la présence de Cécil Graham, jeune de bonne famille complètement cynique et désabusé aux répliques qui font mouche face à l'éconduit soupirant Lord Darlington, dandy comme lui, qui maintient dans son coeur un peu de douceur et de mélancolique.
Cerise sur le gateau, les comédiens sont mêmes vétus de somptueux costumes d'époque et ne sont pas avares en changements de tenues comme ma photo floue ne permet pas de le voir ^^;;; Mention spéciale à la fabuleuse Geneviève Casile (ex de la Comédie Française) qui nous offre toute l'épaisseur et la dureté de Lady Erlynne. Seule petite réserve la distribution masculine... C'est que le charme séducteur de Sébastien Azzopardi alias le séduisant Lord Darlington (et l'inspiré metteur en scène)n'opère pas complètement, n'est pas dandy et wildesque, qui veut, c'est tout un art very British! Pour autant pas de quoi bouder son plaisir et renoncer à y courir (sauf que maintenant la pièce n'est plus vraiment à l'affiche mais qui sait, peut-être une tournée se fera ?) ^___^
Et pour se faire pardonner ce long retard/hiatus, quelques perles de sir Oscar :-) :
" De nos jours, nous avons tant de dettes que les compliments sont les seules choses que l’on offre avec plaisir ! "
- " Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d'entre nous regardent les étoiles. "
- " Il y a deux tragédies dans la vie : l'une est de ne pas satisfaire son désir et l'autre de le satisfaire. "
- " L'expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs. "
- " Qu'est-ce qu'un cynique ? C'est un homme qui connaît le prix de tout et la valeur de rien."
Metteur en Scène : Sébastien Azzopardi
Auteur : Oscar Wilde / Adaptation : Pierre Laville.
Comédiens: Sébastien Azzopardi (Lord Darlington), Jean-Philippe Beche (Lord Windermere), Geneviève Casile (Madame Erlynne), Franck Desmedt (Cecil Graham), Jean-François Guilliet (Lord Augustus), André Le Gallo (Parker), Aude Sabin (Lady Agatha), Marie-France Santon (Duchesse de Berwick), Elisa Sergent (Lady Windermere).
La pièce est jouée au Théâtre 14 les mardi, mercredi vendredi et samedi à 20h30, le jeudi à 19h et le samedi en matinée à 16h.

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