Et l'Oscar de la meilleure adaptation revient.... au Jane Austen Book Club ! Souvent j'aime me plaindre à quel point le passage d'un roman au grand écran m'a épouvantée (voir le massacre de The Other Boleyn Girl que j'attends quand même de voir proprement, si vous avez aimé le film, je vous conseille vivement le livre beaucoup plus diabolique et malsain) mais le regard de la caméra a fait un bien fou à ce roman sympathique mais languissant de Karen Joy Fowler.
Soit cinq femmes californiennes de trois générations différentes à un tournant de leur vie qui décident pour voir à nouveau la vie en rose de fonder un club de lecture uniquement dédié à la merveilleuse Jane Austen (qui aura ma vénération éternelle pour avoir mis au monde Orgueil et Préjugés et Raison et Sentiment) car comme le dit Bernadette , quoi de plus dynamique comme distraction et enseignement des aléas de la vie quotidienne que cette chère Jane ? "All Jane Austen, all the time", une devise que je suivrais volontiers. A chaque mois de l'année correspond une de six oeuvres de la romancière ? Chaque session étant l'occasion pour les membres de ce book club de voir à quel point le remarques de Jane Austen sur le coeur humain n'ont pas perdu de leur pertinence et constater que leur existence suit, parfois, les intrigues des livres.
Là où le livre était fastidieux dans son exploration du passé et des blessures des personnages, le film résume tout cela à une poignée de plans et de phrases. tout devient fluide et surtout les parallèles dressés entre les héroines d'Austen et ses lecteurs assidus sont bien plus flagrant, le segment sur Persuasion en étant l'exemple le plus frappant. Et l'émotion trop contenue dans le roman affleure : le desespoir de Sylvia abandonnée, le misanthropisme de Jocelyn qui préfère ses chiens aux hommes, la frustration de Prudie qui la conduit à humilier son malheureux mari très cruellement en plein dîner mondain : "For him, Austen is just the capital of Texas" et le charme naïf de Grigg, le seul homme embarqué malgré lui dans ce salon de littérature anglaise, le Geek le plus charmant de la Silicon Valley qui ne jure que par la Science Fiction et Starbuck Coffee.
Le film repose en grande partie sur le charme d'Emily Blunt, déjà exaspérante dans le Diable s'habille en Prada, qui campe une jeune épouse déboussolée qui s'ennuie dans son existence de professeur de français et qui aspire à plus de raffinement dans sa vie. Là où elle rêve d'aller enfin en France, son mari ne parle que basket-ball. Prudie apparaît d'abord triste, pédante et rigide puis au fil des minutes on pèle cette première couche pour découvrir une jeune femme trompée par sa mère, joyeuse hippy délurée pour entrer dans ce que l'intrigue a de plus "perturbant", l'attirance sans cesse grandissante qu'elle éprouve pour un de ces charmants élèves, dans le rôle d'un Whickam ou Willoughby en puissance, et comment grâce à la "philosophie austenienne", elle va se laisser entraîner dans ce tourbillon d'émotion et là où Karen Joy Fowler avait vite délaissé la piste, le film apporte une conclusion réaliste à cette tentation.
Autre point fort du film, l'analyse de lecture proprement dite qui se penche avec humour sur la personnalité de Jane A, écrivain de la passion qui loue la passion contenue voire déniée et les cours compliquées et qui repousse loin, loin la sensualité, à la lumière des moeurs XXIe siècle... La mise en abîme culmine joliment quand Prudie se rend à un rendez-vous galant lorsqu'un feu de circulation passe au rouge avec l'inscription énigmatique " What would Jane do ?". Enfin le réalisateur a cru bon, avec raison, d'ajouter un épilogue plus satisfaisant que celui du bouquin.
Le film n'a pas encore été distribué en France mais qu'il le soit sur grand écran ou DVD, il vaut le coup d'oeil si vous aimez Jane Austen et les comédies douces-amères :-) Emily Blunt et Hugh Dancy (Grigg) dominent avec grâce un joli casting.
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