samedi 16 janvier 2010

Walk like an Egyptian


Un peu tardivement et ensablée, je me plie à la tradition des voeux 2010 que je vous souhaite joyeux et prophétiques et à son pendant des résolutions. Je serai brève sur ce dernier point tant je pourrai recopier ma liste de 2009, même si j'ai bon espoir que ma migration des rivages de la Seine soit accomplie d'ici à l'été qui vient. Qui sait peut-être qu'un nouvel environnement sera davantage propice à mes études du code ? Et que j'apprendrai enfin à me coucher tôt ?


Personnellement l'année 2010 a quasi-commencé sur les berges du Nil, un début à la Ulysse comme je les aime. Et que je voudrais savourer avant que le ciel ne finisse toujours par me tomber sur la tête brique par brique. Aller me recueillir au pays des pharaons ne m'avait jamais vraiment effleuré l'esprit, trop exotique et mythique comme les Seychelles ou l'Amazonie, deux endroits où j'ai 0.1% de chance de poser le pied dans ma vie. Si mon chemin ne passait pas par les majestueuses pyramides, voir Louxor, Karnak ou encore Denderah a suffi à me remplir d'admiration et d'émotion au fur et à mesure que mes doigts suivaient le contour de ces vieilles pierres et des cartouches de hiéroglyphes.


Quelle sensation étrange alors de retrouver une fois à Paris ce monde d'hier en couleurs et animer en suivant la caméra d' "Agora" d' Alejandro Amenabar. Le premier film de l'année et une oeuvre qui m'a coupé plastiquement et philosophiquement le souffle comme "la Fontaine" de Darren Aronofsky. Les deux drames sont illuminés par la présence de Rachel Weisz, sauf que dans le cas d'Agora j'ai en prime compris l'intrigue qui m'a rapprochée des larmes.


Agora nous plonge dans l'Alexandrie du IVe siècle après Jésus-Christ. Cité bouillonnante et berceau de culture grâce à sa bibliothèque et ses savants, elle est le théâtre de tensions grandissantes entre païens fidèles aux dieux romains et égyptiens d'antan, juifs et chrétiens encore dans le souvenir de leurs persécutions. Figure de proue d'Alexandrie, la philosophe Hypathie que le film dépeint avant tout comme une astronome. La jeune femme passionnée par son art est l'enjeu malgré elle de l'amour non réciproque d'Oreste, futur préfet de la province égyptienne et du jeune esclave Davus, déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il accepte de rejoindre les Chrétiens, de plus en plus puissants...


Mais Hypathie, qui veut comprendre bien avant Copernic et Newton comment la terre gravite autour des étoiles, n'a que faire de ce triangle amoureux. Si son coeur se brise, c'est de voir sa ville à feu et à sang, et des siècles de connaissance partir en fumée dans le saccage de la bibliothèque d'Alexandrie.


Agora n'est en effet pas une histoire d'amour, mais plutôt celle du naufrage et de la disparition d'une civilisation en proie à l'obscurantisme et au fanatisme. Agora dérange... ici les islamistes sont les premiers chrétiens qui ne vaillent guère mieux que les talibans du présents et d'ailleurs leurs turbans noirs le suggèrent. Agora pose aussi la question des limites de l'humain. Jusqu'où peut-on aller par dévouement/aveuglement à la religion, à la foi, à la science, à une femme, à la vengeance ?


Hypathie est est une victime de ces massacres successifs commis au nom de Dieu mais la force du film est aussi de montrer qu'elle est aussi intolérante que les politiciens et les religieux. En sacrifiant tout à ses recherches, elle prive de rédemption Orestre et Davus. Même son athéisme forcené nourri son isolation.


Les scènes de pillages et de pogroms sont très dures car criantes de réalisme dans cette Alexandrie reconstituée jusque dans la moindre pierre, et c'est étrange de visiter cette villle et de se dire que deux millénaires avant, Denderah ressemblait à cela, oui on marchait devant des piliers à la gloire d'Hathor et des empereurs romains. La scène la plus poignante est sans nul doute les retrouvailles entre Davus et Hypathie dans l'église. Il est trop tard pour faire amende honorable, ce monde, ces liens sont ruinés...mais dans le regard muet et brillant de Rachel Weisz on sent une épiphanie d'autant plus douloureuse qu'elle est désormais inutile.

5 commentaires:

Stolvezen a dit…

Tient, nous avons toutes deux vu le même 'premier film' de l'année.
Et je ne puis qu'approuver les commentaires que tu laisses sur celui-ci. La belle Hypathie n'a que faire des rouages de l'amour, elle ne s'intéresse qu'à ceux qui régissent le ballet des cieux. Elle est étrangère à la révolution religieuse qui se déroule sous ses yeux, elle veut seulement comprendre celle qui meut les planètes. Hélas, les uns brisent les connaissances des autres et la nouvelle religion chrétienne déploie des trésors d'intolérance pour anéantir l'antique savoir.

Andrea a dit…

Contente de voir que le film n'a pas fait que bonne impression sur moi! As tu l'impression dans la dernière scène qu'elle voulait croire ?
J'espère que new york donnera lieu à bcp de photos et de diapos sur ton blog!!!!

Stolvezen a dit…

Question piège que cette dernière scène. Pour ma part je crois qu'elle a vu une ellipse dans le cercle ouvert sur le ciel au dessus d'elle. Dans son regard je vois comme la confirmation de son intuition concernant la révolution de la Terre autour du soleil. Un peu comme une révélation et une certitude avant la fin. Une croyance.
En tout cas c'est un film dont on ressort assez remué de l'intérieur.

Pas d'inquiétude, j'emportai avec moi mon appareil photo dans la Grande Pomme... et je garnirais les Vertiges de ses pépins ^___^
En espérant que je ne m'y perde pas ;-)

Noemie Taylor-Rosner a dit…

Tu déménages ??? ou caaaaaa !!!??

Andrea a dit…

Si ça se confirme -et ce serait au mieux vers mai/juin- ce serait pour se rapprocher de Sarah.