Depuis que je rôde sur Amazon et profite de ses réserves luxuriantes dans ma quête du "Good Bargain", mes yeux se sont souvent emplis de songerie à la vue du titre
"Oscar et Lucinda". Etait-ce parce que cet "Oscar" me faisait tant penser à ce grand maître des aphorismes que je vénère?
"Oscar et Lucinda", un petit film de rien dans lequel Cate Blanchett enrichit sa filmographie balbutiante. La future Galadriel y porte une tignasse brune et donne réplique au ténébreux Ralph Fiennes (cf. son excellente interprétation de Heathcliff dans l'exécrable adaptation des "Hauts de Hurlevent" raaah avec Colin il sait y faire !)...une lointaine réminiscence des échanges Cate B. / Joseph Fiennes (frère de R. ) dans "Elizabeth" quelques années plus tard...
Donc après des années de débats intérieurs, je me suis finalement jetée à l'eau pour ce drame australien réalisé par Gillian Amstrong à qui on devait les "Quatre Filles du Dr March" avec Winona Ryder. Je savais en ayant lu quelques critiques que le film était déroutant... et c'est prévenue mais surprise que je me suis retrouvée face à une version tragique, en costume et australienne (sic) de ce bijou d'OVNI doux-amer qu'était "Garden State". Une expérience cinéphile désorientante mais agréable.
Dur de ne pas s'étrangler quand on voit Ralph en roux (!) et Cate en brune frisée garçon-manqué. Soit Oscar, un petit Gallois, à jamais traumatisé par la mer depuis que son père a tenté de s'y noyer après avoir perdu sa femme. Un océan pour toujours symbole de mort pour le petit enfant élévé dans la plus stricte éducation et religion par son père, un pasteur pentecôtiste -un courant protestant rigoriste. Un fondamentaliste qui transmet une foi des plus mystiques à son fils qui interroge Dieu (et parie déjà avec lui). Après une dispute Oscar déserte et décide de se faire anglican. Envoyé dans un collège prestigieux, le garçon devenu jeune homme est, par sa candeur, l'objet de raillerie de tous ses camarades jusqu'à ce que l'un d'eux l'initie aux courses de chevaux... Un moyen de subsistance et des gains aisés qu'Oscar reverse aux églises et aux pauvres (ce qui le met toujours à l'écart).
De l'autre côté du monde, en Nouvelles Galles (Austr.) une petite Lucinda naît. Ses parents sont déterminés à en faire un esprit original et indompté, imperméable aux convenance de cette fin de XIXe.
Bref, deux caractères fantasques, défiant toutes les conventions, séparés par plusieurs océans, faits pour se rencontrer dans des circonstances les plus saugrenues, qui crient "Garden State": un évanouissement grotesque en cabine, la découverte, par Oscar, du talent pour les cartes de Lucinda, leur manie de parier sur tout (y compris le nettoyage)...
Des héros unis par leur passion dévorante et compulsive du jeu, par leur naïveté, leur utopie, leur amour et leur phobie de l'eau. Entre les deux se tissent des liens étranges créés par une rencontre fortuite : amitié, addiction, détox, enthousiasme qui atteignent leur apogée avec la mission mégalomaniaque que se fixe Oscar : amener une Eglise de verre dans une des provinces les plus reculées, sauvages et à peine colonisées de l'île australe.
Le film se transforme alors en une épopée historique de la découverte de l'Australie et un plaidoyer politique (un peu) sur le massacre des aborigènes... C'est inattendu jusqu'au dénouement final intimiste.
Un patchwork sans forme plein de moments de grâce dont le troisième héros est ce continent austral mystérieux. Le genre d'oeuvre qui passe inaperçue mais qui déborde de poésie et de charme (cf. la voix rauque de CB) . Et depuis "Garden State" et "Eternal Sunshine", je n'avais pas vu pareille soucoupe volante dans mon lecteur DVD. Je ne regrette pas mon élan de curiosité!