Parce que le principe d'une obsession c'est bien qu'une lubie chasse l'autre... Après avoir fait de ce blog un long plaidoyer pour Hunger Games, il est temps que Downton Abbey subisse le même traitement (en attendant des informations concrètes sur l'Embrasement).
Pour les néophytes, Downton Abbey est la série britannique du moment avec Sherlock. Un excellent costume drama (série en costumes d'époque) qui pour une fois n'est pas hébergé par la BBC mais par sa rivale privée ITV.
L'intrigue débute lors du naufrage du Titanic (cette connexion ne pouvait que me plaire!) en 1912. Sur le paquebot des rêves se trouvait en effet l'héritier du titre et de la fortune des Grantham. Robert Grantham n'ayant que des filles qui ne peuvent pas hériter (hello Orgueil et préjugés), ses biens devaient passer à son cousin et son fils qui ont donc la malheureuse idée de partir en croisière. Dès lors, il lui faut retrouver le prochain héritier, un lointain cousin, avoué à Manchester -so middle class comme dirait Violet-. Robert veut aussi protéger ses filles et donc pousse l'aînée d'entre elle à épouser un aristocrate ou encore mieux à garder le titre dans la famille en mariant le fameux cousin, Matthew qu'on ne découvrira que quelques secondes à la fin de l'épisode. Évidemment une telle belle idée ne peut-être que combattue par l'intéressée Lady Mary qui étouffe de se voir dicter sa vie pour elle.
La série - deux saisons et un épisode spécial Noël- a réuni lors de ses débuts en septembre 2010 plus de dix millions de spectateurs. Du jamais vu pour une fiction sur ITV depuis longtemps. Depuis, Downtow a aussi conquis les Etats-Unis, récoltant une pluie d'Emmys bien mérités, qui reflètent le talent du créateur de ce microcosme, Jullian Fellowes. Le scénaristique du fantastique Gosford Park a à nouveau replongé dans le monde mystérieux et plein de complots de la haute aristocratie et de ses domestiques. Les pérégrinations de la famille du Comte de Grantham et de leurs servants illustrent délicatement les années folles que furent celles de la première guerre mondiale. Mise en abîme d'un monde -celui des empires centraux- qui s'effondre et d'une nouvelle classe qui prend le pouvoir.
Downton Abbey suit ses habitants qui vivent de l'intérieur et chacun à leur échelle cette métamorphose, jamais mieux symbolisée que par la crise de la cinquantaine du châtelain.
Cette vision des tourments de l'Europe à travers une poignée de destins individuels est aussi très émouvante quand Downton aborde la Grande guerre par le biais de ceux qui sont restés derrière. Ces familles qui redoutent la conscription, ces jeunes hommes qui s'enrôlent pour ne pas se faire traîter de lâches, ces femmes qui doivent se trouver une place pour s'occuper et être utiles alors que tous leurs prétendants potentiels se font tuer au front, ces barrières sociales qui s'effondrent car comme dit Matthew la "guerre a le don de distinguer entre ce qui est important et ne l'est pas", la difficile réadaptation la paix venue, le combat pour son indépendance de l'Irlande grâce à un chauffeur subversif...
Ce don pour la narration de la Grande histoire par la petite est d'autant plus brillant que Downton Abbey offre une brochettes de personnages desquels il n'est pas difficile de s'éprendre, tellement humains et contradictoires.
La perle de Downton Abbey c'est Maggie Smith, qui joue la Comtesse douarrière, la mère du Comte. Une vieille dame bourrrée d'ironie mordante, très attachée à son train de vie, ses valeurs et l'aristocratie et qui passe son temps à chasser les fiancés potentiels pour ses petites filles. C'est jubilatoire de la voir à coup d'aphorismes croiser le fer avec sa belle-fille, l'Américaine Cora, Matthew, le parvenu Richard Carlisle et la mère de Matthew avec qui elle engage une vraie guerilla en jupons.
Sybil, Mary et Edith |
Un esprit combatif et impétueux que l'on retrouve chez ses petites filles. La cadette Sybil qui veut s'engager chez les suffragettes, milite à coup de pantalons de soirée (harem pants) et défend les droits à l’ascension sociale des domestiques de la maison. Petite dernière à qui ses parents, trop occupés à marier leurs aînées, surveillent peu ce qui donnera des résultats étonnants, la guerre finie. Après tout la Révolution commence bien à la maison !
Au milieu Edith, à qui échoue le rôle de vilain petit canard (un peu injuste pour sa jolie interprète Laura Carmichael). Moins belle que Mary, moins rebelle et piquante que Sybil. Dévorée de jalousie à l'égard de Mary, il est fascinant de voir à quel point elle est prête à aller pour se venger, mettant en route des événements dont personne ne mesurera la portée jusqu'à la saison 2.
Matthew et Mary |
Et bien sûr, il y a Mary. Sublime, glaciale, contradictoire, séductrice et prisonnière de son tragique moment d'égarement au début de la série. Le prototype de la femme fatale doublée d'une jeune fille de bonne famille qui passe son temps à dissimuler ses sentiments et à prétendre l'indifférence. C'est bouleversant de lire sur le visage de Michelle Dockery cette pléiade d'émotions, on aimerait tantôt la prendre dans ses bras comme Carlson ou lui battre froid comme Matthew, complètement subjugué par sa cousine. Mais entre les deux, ça ne peut jamais marché.
Matthew pourrait inspirer la pitié mais il est aussi têtu, dur et flirteur que Mary (cf leur face à face improbable après la chute de Sybil à Ripon et leur explication le jour de la Garden party). Dan Stevens (Edward Ferrars dans Sense and sensibility mais je ne l'aurais pas reconnu) lui prête ses yeux bleus perçants, son sourire, ses regrets, ses décisions aberrantes. Tantôt attirant en diable tantôt pingouin mal endimanché dans ses habits de soirée (après tout il est résolument middle class), il donne autant de cause d’exaspération que Mary au spectateur.
À ce monde d'en haut il faut rajouter celui d'en bas, celui des servants. Une galerie de personnages aussi frappants et attachants que les Crawleys. De Daisy perpétuellement harcelée par sa chef la cuisinière Mrs Patmore, William qu lui fait en vain les yeux doux, à la douce Anna d'une patience infinie indispensable à Mary, le ténébreux Thomas toujours à l'affut d'un mauvais coup pour enfin ne plus être un valet et sa complice, O'Brien, la dame de chambre de la Comtesse Grantham. Ensemble, ils complotent, complotent, complotent.... (photo)
O'Brien et Thomas dans une énième conspiration. |
À ce petit groupe se greffe Mr Bates le nouveau valet du Comte avec qui il a combattu dans la guerre des Boers. Boitant suite à un éclat d'obus reçu dans la jambe, ses débuts sont douloureux sous l’œil méprisant du personnel de la prison. Mais ce calvaire n'est rien à côté de son lourd secret (hint, hint saison 2!). Sans oublier le surprenant Branson, Irlandais et chauffeur mais surtout militant socialiste et indépendantiste, un étrange mélange !
Le seul reproche que je pourrai faire à Downton, c'est le choix assumé de procéder par ellipse chronologique. D'un épisode à l'autre plusieurs mois peuvent s'écouler au cours desquels beaucoup se passe hors caméra. C'est frustrant d'autant plus quand on passe d'un personnage heureux et que l'on retrouve en colère contre le monde entier sans une mention de ce qu'il a fait à l'épisode précédent qui était pourtant énorme. Du coup, il est parfois dur de suivre les évolutions émotionnelles des uns et des autres.
Bref le mois de septembre et sa saison 3 sont dans bien trop longtemps
PS : les costumes de Downton sont sublimes. I'm in love !
4 commentaires:
Je crois que je vais adorer retravailler mon anglais grâce à cette série :D
Elle me donne furieusement envie de faire un jour une fête rétro fashion 1910-1920 ou si dans le cas improbable où je me marierai un jour de choisir une robe dans le même style!
@ Constance : \o/ !
?
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