dimanche 31 janvier 2010

L'allée du roi

Le 31 janvier 2010 fut un jour historique... 20 ans après le bicentenaire de la Révolutioon française, 'Drea remis enfin les pieds à Versailles. Un pèlerinage qui fait ronronner la fanatique des ouvrages de Simone Bertière (le Paris-Match au temps des reines et courtisanes) et d'Alain Decaux (la Révolution expliquée aux enfants) sommeillant en moi.


Des retrouvailles grandioses. Versailles s'est bien redoré (parfois un peu trop c'est quoi ce jaune fluo sur les grilles?) en mon absence et la galerie des glaces étincelle enfin de ses milles feux. Je suis allée, comme il se doit, aller m'incliner devant un de mes tableaux favoris, celui de marie-Antoinette et de ses enfants par Elisabeth Vigée-Lebrun. Un portrait doux amer, le dauphin succombera quelques mois avant la Révolution, le berceau vide symbolise Sophie morte quelques jours après sa naissance, le futur Louis XVII joue sur les genoux de sa mère et la jeune Madame royale sera la seule à survivre à la tempête de 1789... Saluer Marie L. les filles de Louis XV, Marie-Thérèse, une quantité de dauphins ou Nap m'a donné l'impression de retrouver de nombreux camarades de classe.


Ceci dit, déambuler dans les opulentes salles du château rend difficile d'ignorer la grandeur de son créateur le roi Soleil dont les représentations à tout âge abondent, mais on comprend facilement aussi pourquoi cet étalage de luxe fut aussi insupportable pour la population. Tout ce marbre et cette dorure donne le tournis sans oublier ces fantasques plumes d'autruche perchées en haut des lits à baldaquin. Et ce n'est pas sans ironie -appréciée- que la dernière pièce visitée se trouva être la salle Bonaparte où j'ai eu l'excellente surprise de trouver la fresque du couronnement de Napoléon Ier par David. Non décidément ces Lumières sanglantes et inabouties me fascineront toujours autant. Que de réalités alternatives auraient pu naître et changer notre Histoire !

mardi 26 janvier 2010

Bright Star, would I were steadfast as thou art


Des papillons qui volettent dans une chambre se posant sur une jeune fille allongée, déclaration passionnel dans une forêt balayée par la pluie (qui n'est pas sans rappeler une certaine scène de "la Leçon de piano". Seul le talent de Jane Campion pouvait transformer ces clichés kitsch du romantisme en moments de poésie à l'écran.


Il m'a fallu du recul pour apprécier "Bright Star" le dernier film de la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion dédié à la romance maudite entre le poète John Keats et sa voisine Fanny Brawne. Non "Bright Star" n'aura jamais la même passion, noirceur, trouble et tourment que "la Leçon de Piano" parce qu'elle décrit contrairement au piano un premier amour fragile, éphémère ... mais elle n'a rien à lui envier en matière d'onirisme et d'esthétisme... Les personnages sont à l'aube de la vie mais n'ont pas encore été abîmée par elle comme Ada. Dès lors "Bright Star" est une promenade dans un rêve, dans un monde au bord du ravin des promesses.




Jane Campion filme avec tranquillité et douceur les émotions de ses personnages, dont les sentiments éclosent comme les fleurs au détour d'une danse, d'une ballade, d'un frémissement, d'une lecture partagée, en effleurant les murs, des papillons, le vent qui fait souffler un rideau, une dernière étreinte. Les couleurs brillent accrochant les fleurs et les tenues excentriques de Fanny -couturière-. Ses chaussures m'ont d'ailleurs fascinées mais passons !



Les images épurées sont ponctués des poèmes de Keats... Même si on sait dès le départ que son idylle avec Fanny se heurtera à sa mort prématurée et tuberculeuse sans oublier les conventions sociales -un poète maudit ne saurait être un bon parti- , sa passion jalouse parfois torturée touche, de même que le côté de temps en temps pimbèche de la demoiselle.

La caméra de Jane Campion suit pas à pas ces premiers émois et leurs derniers instants mais immortalise aussi la paisibilité de la vie quotidienne des Brawne, incarnée dans ce chat des plus naturels dans le bruit de ces petits petons et crédité au générique et la plus jeune soeur de Fanny. Portrait inversé de la perverse et espiègle Flora dans la "Leçon de Piano". Même quand Fanny et Keats réalisent que la maladie l'emportera, ils ne renoncent pas à leur insouciance et laisse libre court une ultime fois à leurs rêves dans cette clairière lieu d'une dernière danse et célébration de fiançailles tardives.



"Bright Star" n'a pas vraiment intrigue, ce n'est pas l'histoire d'une séduction, c'est une suite de petites touches, de fleurs qui bruissent dans le vent, de broderie...et c'est parfois déroutant et désuet. Je regrette aussi de ne pas être une anglophone de naissance, les poèmes de Keats, qui ponctuent le film, auraient sûrement moins agi comme une barrière. Le dialogue se fait rare, parfois trop au point de ne pas saisir les motivations des personnages... pourquoi Keats ignore-t-il subitement Fanny ? Pourquoi Charles Armitage Brown est-il aussi insupportable avec Fanny ? est-il amoureux d'elle ou de Keats ? D'ailleurs à quoi sert-il dans cette histoire ?






Même si Bright Star manque d'intensité, de la musique de Nyman, et étouffe ses comédiens parfois, restant dans les murmures et les souffles, il offre un merveilleux livre d'images, ode à la nature, qui mérite le détour...


En revanche, si je peux me permettre, j'ai été assez déçue par "In the Air" avec George Clooney, qui nous fait un long numéro de Nescafé tout au long d'une oeuvre qu'on vent faussement comme une satire du système. Espérons qu'une Education, dont j'attends beaucoup, soit à la hauteur.



Ps : contrairement à ce qu'affirme l'épilogue, Fanny s'est finalement mariée après la mort de Keats et a obéi à sa dernière volonté de détruire ses lettres.

samedi 16 janvier 2010

Walk like an Egyptian


Un peu tardivement et ensablée, je me plie à la tradition des voeux 2010 que je vous souhaite joyeux et prophétiques et à son pendant des résolutions. Je serai brève sur ce dernier point tant je pourrai recopier ma liste de 2009, même si j'ai bon espoir que ma migration des rivages de la Seine soit accomplie d'ici à l'été qui vient. Qui sait peut-être qu'un nouvel environnement sera davantage propice à mes études du code ? Et que j'apprendrai enfin à me coucher tôt ?


Personnellement l'année 2010 a quasi-commencé sur les berges du Nil, un début à la Ulysse comme je les aime. Et que je voudrais savourer avant que le ciel ne finisse toujours par me tomber sur la tête brique par brique. Aller me recueillir au pays des pharaons ne m'avait jamais vraiment effleuré l'esprit, trop exotique et mythique comme les Seychelles ou l'Amazonie, deux endroits où j'ai 0.1% de chance de poser le pied dans ma vie. Si mon chemin ne passait pas par les majestueuses pyramides, voir Louxor, Karnak ou encore Denderah a suffi à me remplir d'admiration et d'émotion au fur et à mesure que mes doigts suivaient le contour de ces vieilles pierres et des cartouches de hiéroglyphes.


Quelle sensation étrange alors de retrouver une fois à Paris ce monde d'hier en couleurs et animer en suivant la caméra d' "Agora" d' Alejandro Amenabar. Le premier film de l'année et une oeuvre qui m'a coupé plastiquement et philosophiquement le souffle comme "la Fontaine" de Darren Aronofsky. Les deux drames sont illuminés par la présence de Rachel Weisz, sauf que dans le cas d'Agora j'ai en prime compris l'intrigue qui m'a rapprochée des larmes.


Agora nous plonge dans l'Alexandrie du IVe siècle après Jésus-Christ. Cité bouillonnante et berceau de culture grâce à sa bibliothèque et ses savants, elle est le théâtre de tensions grandissantes entre païens fidèles aux dieux romains et égyptiens d'antan, juifs et chrétiens encore dans le souvenir de leurs persécutions. Figure de proue d'Alexandrie, la philosophe Hypathie que le film dépeint avant tout comme une astronome. La jeune femme passionnée par son art est l'enjeu malgré elle de l'amour non réciproque d'Oreste, futur préfet de la province égyptienne et du jeune esclave Davus, déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il accepte de rejoindre les Chrétiens, de plus en plus puissants...


Mais Hypathie, qui veut comprendre bien avant Copernic et Newton comment la terre gravite autour des étoiles, n'a que faire de ce triangle amoureux. Si son coeur se brise, c'est de voir sa ville à feu et à sang, et des siècles de connaissance partir en fumée dans le saccage de la bibliothèque d'Alexandrie.


Agora n'est en effet pas une histoire d'amour, mais plutôt celle du naufrage et de la disparition d'une civilisation en proie à l'obscurantisme et au fanatisme. Agora dérange... ici les islamistes sont les premiers chrétiens qui ne vaillent guère mieux que les talibans du présents et d'ailleurs leurs turbans noirs le suggèrent. Agora pose aussi la question des limites de l'humain. Jusqu'où peut-on aller par dévouement/aveuglement à la religion, à la foi, à la science, à une femme, à la vengeance ?


Hypathie est est une victime de ces massacres successifs commis au nom de Dieu mais la force du film est aussi de montrer qu'elle est aussi intolérante que les politiciens et les religieux. En sacrifiant tout à ses recherches, elle prive de rédemption Orestre et Davus. Même son athéisme forcené nourri son isolation.


Les scènes de pillages et de pogroms sont très dures car criantes de réalisme dans cette Alexandrie reconstituée jusque dans la moindre pierre, et c'est étrange de visiter cette villle et de se dire que deux millénaires avant, Denderah ressemblait à cela, oui on marchait devant des piliers à la gloire d'Hathor et des empereurs romains. La scène la plus poignante est sans nul doute les retrouvailles entre Davus et Hypathie dans l'église. Il est trop tard pour faire amende honorable, ce monde, ces liens sont ruinés...mais dans le regard muet et brillant de Rachel Weisz on sent une épiphanie d'autant plus douloureuse qu'elle est désormais inutile.